jeudi 22 août 2019

Mon rêve d’immortalité

J’ai découvert le développement personnel en 2008. Je m’en rappelle comme si c’était hier. Deux semaines avant mon 24 eme anniversaire, je venais de me faire larguer. Mon cœur s’était une fois de plus brisé en mille morceaux et je tentais de le ramasser péniblement à même le sol. Envolées toutes les belles promesses et projets de vie. Les jours qui ont suivi, j’ai perdu l’appétit. On me félicitait de perdre du poids et on me demandait comment j'avais fait. Personne ne voyait mon malaise. Pour tous, je n’avais « que » 24 ans, des hommes je pouvais encore en rencontrer des tas. Et puis une collègue s’est détachée du lot. Elle me parla alors du livre « le Secret », best seller outre atlantique. 2 mois plus tard je le prenais dans ma valise pour partir en vacances. De but en blanc, je te le dis, ce livre a changé ma vie. Un nouveau monde s’ouvrait à moi, celui du développement personnel.

Pendant les 8 années qui ont suivi j’ai dévoré tous les livres de « self help » qui me passaient sous la main. Je revenais de la bibliothèque avec des piles de livres de psychologies à lire. 8 années : un nombre incalculable d'affirmations positives, de tableaux de visualisation, de listes et de carnets gribouillés. Le développement personnel m’a aidée à grandir, à comprendre, à apaiser. Mais comme pour tout, il a ses limites et il y avait un petit vide qu’il ne comblait pas. Cette envie de vouloir être exceptionnelle sans jamais y arriver. Je cherchais un tas de réponses, sans les trouver.

Cette limite je l’ai vraiment comprise il y a 3 ans. Je n’en ai encore jamais parlé ici. Sans doute que c’était trop difficile à avouer. Et puis dans le fond je n’ai jamais voulu ressortir victime de mes épreuves. Tu vois, l’être humain essaye de concevoir la vie pour pouvoir tenir son enfant dans ses bras un jour, le chérir, le cajoler. Mais parfois, il y a comme je dis maintenant « des ratés ». Un seul pour ma part, un de trop sans doute. Celui qui m’a fait vendre toutes mes affaires, arrêter tous les partenariats, plonger dans le minimalisme. Puisqu'il n’y avait plus que cela de vrai à mes yeux : l’essentiel. Tout balayer, tout vider, tout jeter. Apaiser la douleur. Avancer. Nue d’un être que je n’avais pas pu connaître...

Jusqu’en septembre 2018. Le merveilleux miracle de la vie. Ma fille. Être maman. L’expérience la plus belle, la plus complète et la plus enrichissante de ma vie. Celle qui m’en apprend chaque jour bien plus sur moi que n’importe quel livre de développement personnel.

Et parallèlement à ça, ces dernières années, l'émergence du développement personnel sur les réseaux sociaux. Plus de coachs autoproclamés, plus de positions de méditation (même pour ceux qui ne la pratique pas), plus de photos léchées, biaisées, à l’opposé même de bon nombre de principe que je lisais. Plus, plus, plus de marketing et beaucoup moins d'authenticité.

Été 2019, j’ai 35 ans. Nous y voici. Je réalise. J’ai 35 ans, je suis maman, ma fille va avoir un an. Au retour de mes vacances je tombe sur une vidéo de Mind Parachutes qui parle du livre de Mark Manson. Je dévore le livre en 3 jours. Tournant les pages comme aspirée par toutes ses vérités. L’art subtil de s’en foutre. Si on m'avait dit... me voilà remettre en cause absolument tout ce que j’ai pu lire jusqu’à présent. Absolument tout. Je n’avais plus eu de livre révélation depuis « le Secret ». Et ce livre de Mark Manson est l’antonyme même du Secret. Je comprends alors que tout ce que j’avais toujours construit et fait dans ma vie était motivé par un seul rêve. Un rêve qu’un milliard d’êtres humains partage. Celui d’être immortel.

C’est en voulant être immortel qu’on construit des choses espérant qu'elles nous survivent par delà notre mort. Pourtant rien n'y fera, tôt ou tard, notre corps physique mourra. C’est inévitable et inconcevable à la fois.

Mon franc tombe. Ce n'était pas une histoire de reconnaissance, ou de réussite. Non. Je ne voulais juste pas être oubliée. Jamais. Et chaque choix, chaque décision, chaque projet, chaque rencontre a été motivé par cette seule et unique peur. La peur de l'oubli.

Aujourd’hui, j’ai un trop plein de ces vanités vendues sur les réseaux sociaux. Un trop plein des vies trop parfaites, des démonstrations de positivisme qui ne tentent qu'à étouffer nos souffrances. J'ai compris que nos souffrances sont spécifiquement ce qui nous fait grandir. Il y a 10 ans, si cet homme ne m’avait pas larguée, si je n’étais pas tombée dans un puit sans fond, jamais je n’aurais avancé. Jamais je ne me serai battue. Jamais. La souffrance m’a aidée, même si je ne le vois que maintenant. Choisis tes batailles, que Mark dit dans son livre.

Je ne suis pas fataliste, triste ou déçue en écrivant ces lignes. Je me sens juste éclairée. Comme touchée par la grâce. Maintenant, tout me semble possible, puisque rien n’était vrai avant. Si je choisi mes batailles, je n’ai pas peur de souffrir pour elles. Mon rêve d'immortalité est désormais tout autre. Et que fait-on quand on n’attend plus de reconnaissance, de réussite, quand on arrête de se convaincre que tout va bien même quand ça va mal ? Quand on comprend que s’en foutre ce n’est pas répondre à la fatalité, mais au contraire, c'est se répondre à soi même qu’il n’y a rien à prouver à personne ? On se laisse vivre tout simplement. Chaque situation, chaque choix, chaque discussion apparaît sous un autre angle. Finalement, on s’en fout, et c’est très bien comme ça. La voilà, la félicité.

Je terminerai avec ce paragraphe du livre de Mark Manson, qui m’a tirée un bon gros paquet de larmes : « Tu es génial. Déjà. Que toi-même ou les autres en ayez conscience ou pas. Et pas parce que tu as lancé une appli pour iPhone, que tu es sorti diplômé un an à l’avance ou que tu as acheté un bateau à la con. Tu l’es parce qu’en pleine confusion, tu continues de privilégier ce qui compte à tes yeux. (...) Comme nous tous, tu es amené à disparaître. Pourquoi ? Parce que tu auras eu la chance de naître, recevant toi aussi le cadeau de la vie. »

Et j'ajouterais, qu’il n’y a vraiment plus que ça qui compte maintenant. La Vie.

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